À Vallet, en amont de la création de la ZAC Saint-Christophe-La Prestière, les archéologues de l’Inrap ont mis au jour les restes d’un petit habitat de l’âge du Bronze et ceux d’une vaste occupation de l’époque gauloise (IIe -Ier siècle av. J.-C.), apportant de nouvelles connaissances sur Vallet, ses habitats et son environnement aux différentes époques, et la mise en place de son schéma urbain.

Dernière modification
18 juillet 2023

Un habitat de l’âge du Bronze

À Vallet, les archéologues ont mis en évidence un petit habitat de la fin de l’âge du Bronze moyen et du début du Bronze final (environ 1400 à 900 av. J.-C.) installé en bordure et dans le lit d’un ancien vallon colmaté (paléovallon). Ils ont identifié les restes de deux bâtiments construits en terre et en bois, dont il ne subsiste que les empreintes des trous de poteau et des tranchées de fondation. Le premier édifice, de plan quadrangulaire, est daté par carbone 14 aux alentours de 1305 avant J.-C. Le second présente un plan circulaire. Ses traces sont recouvertes d’une épaisse couche de charbons de bois, indiquant qu’il a probablement été détruit par un incendie. Un puits et des fosses creusées dans les sédiments du vallon ont également été mis au jour.

Des poteries de l’âge du Bronze

Plus de deux cents fragments de céramique datant de la fin de l’âge du Bronze moyen ou tout début du Bronze final ont été recueillis dans les comblements des structures archéologiques. Ils constituent des témoignages de la vie domestique des habitants de cette époque. L’étude des tessons contribue à dater les vestiges et permet des comparaisons avec d’autres sites de productions de la même période. À l’âge du Bronze, les poteries sont fabriquées par modelage de l’argile. Celles de La Prestière sont parfois ornées d’un cordon de pâte décoré d’empreintes de doigt (digitations) ou de boutons de pâte appliqués sur les parois. Ce dernier décor est typique des phases anciennes de l’âge du Bronze.


Du bois exceptionnellement conservé

Fortement dégradable, le bois est rarement retrouvé en archéologie, sauf lorsque des conditions particulières, telles que la présence d’un milieu humide, permettent sa conservation. Treize pièces de bois datant de l’âge du Bronze, la plupart en chêne, ont été mises au jour sur le site de Vallet. Quelques-unes présentent des coups de hache ou d’herminette dont l’étude permet de comprendre les techniques de débitage mises en œuvre. Les études xylologiques permettent d’esquisser le paysage du secteur à l’âge du Bronze. Les résultats suggèrent la présence d’un couvert forestier relativement dense, peuplé de grands arbres tels que des chênes, ce que confirment les études de pollens. La dendrologie (étude des cernes de croissance des bois) montre des stigmates de stress, attribuables à un environnement concurrentiel (forêt dense) ou trop humide et inondé.

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Des bois exceptionnellement conservés.

© Inrap


À l’âge du Fer, un important site gaulois

L’occupation gauloise de la ZAC Saint-Christophe-La Prestière commence dans la seconde moitié du IIe siècle avant J.-C. et s’achève au début du Ier siècle avant J.-C, avant la Conquête de la Gaule par les légions romaines de Jules César. Un habitat structuré Se développant sur plus d’un hectare, cette occupation se matérialise par la présence de très nombreux trous de poteau, seuls témoins des maisons et constructions en bois et terre crue. En étudiant leur agencement, les archéologues ont mis en évidence douze plans de bâtiments. Certains, d’une surface proche de 24 m², correspondent sans doute à des bâtiments d’habitations, d’autres évoquent des constructions plus modestes.

Le paléovallon, fréquenté dès l’âge du Bronze, est toujours visible dans le paysage. Le site gaulois est divisé en plusieurs secteurs d’activités, délimités par des petits fossés ou des clôtures dont les orientations sont identiques à celles des bâtiments. Au centre de la fouille, un espace apparemment dédié à des activités rituelles est identifié. Dans l’angle sud de la fouille, un segment fossoyé apparaît : peut-être les restes d’un grand fossé externe qui clôturait l’habitat ?

Une architecture soignée et de nombreux puits

Les maisons gauloises de Vallet sont constituées d’une structure en bois ancrée dans le sol ; les murs sont en torchis (terre crue), les toits couverts de chaume. Les archéologues ont recueilli près de dix kilos de fragments d’enduit sur torchis qui recouvraient certainement les parois internes des maisons. Ces éléments sont considérés comme des indicateurs d’un statut social élevé. Autre découverte surprenante : la mise au jour d’une quinzaine de puits qui permettaient de puiser l’eau dans le socle de gabbro, une roche très granuleuse et aquifère, véritable réservoir d’eau souterraine. Alors que les fermes gauloises ne comportent généralement qu’un puits, ce nombre suggère qu’une population importante vivait sur le site de Vallet.

Un espace rituel gaulois

L’une des caractéristiques majeures du site de Vallet est la présence, au centre de la fouille, d’un espace probablement dédié à des pratiques rituelles. Les achéologues y ont découvert trois dépôts d’objets, enfouis à proximité les uns des autres par les Gaulois : un dépôt d’objets en fer, un dépôt d’amphores et un dépôt de céramiques communes. Un tel espace confère un statut particulier au site gaulois de Valet.

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Un dépôt d’objets en métal.

© Inrap

Un dépôt d’objets en métal

Prélevé en bloc à la main, puis déplacé par un engin mécanique, le dépôt métallique a été fouillé par les spécialistes du laboratoire Arc’antique à Nantes. Il est composé de 68 fragments d’objets en fer : anneaux, tôles, socs d’araires, etc. Ce type d’enfouissement volontaire est relativement fréquent dans les établissements ruraux gaulois. Une telle pratique s’inspirerait des dépôts d’objets effectués dans les sanctuaires, dans le cadre supposé de culte aux divinités chtoniennes (souterraines).

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Le dépôt métallique emmailloté de bandes plâtrées blanches est déplacé hors de la fouille avec l’aide des services techniques de Vallet.

© Inrap

Un dépôt d’amphores

Le deuxième dépôt regroupe 85 fragments d’amphores utilisées pour le transport du vin. Un exemple comparable est connu sur un site gaulois fouillé en 1997 à Marcé près d’Angers. Il s’agit probablement d’un dépôt à vocation rituelle, même si sa signification précise reste incertaine.
 

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Le dépôt d’amphores en cours de fouille.

© Inrap

Un dépôt de céramiques

Le troisième dépôt est constitué de 12 kg de tessons de poteries brisées, déposés intentionnellement dans une fosse. Les céramiques ont été soigneusement sélectionnées en fonction de leur usage : on remarque une récurrence des dolia (grands vases de stockage) ainsi qu’un gobelet à boire. S’agirait-il de restes de rites de boisson ?

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Le dépôt de céramiques, en cours de fouille.

© Inrap 

De la céramique commune gauloise et des amphores venues d’Italie

Au cours de la fouille de Vallet, plus de 4 000 tessons de céramiques gauloises ont été recueillis dans les comblements des puits, fosses, fossés et trous de poteau. L’étude céramologique comprend une phase d’assemblage et recollage des fragments, suivie d’une restitution par le dessin des poteries. Les formes et les décors sont ensuite comparés à des collections de référence qui permettent de les dater. Toutes les céramiques gauloises de Vallet ont été produites entre le milieu du IIe siècle avant J.-C. et le début du Ier siècle avant J.-C. Elles illustrent la vaissellerie gauloise : vase bouteille, jatte, pot à cuire, dolia, gobelet à boire...

En outre, 625 restes d’amphores vinaires (utilisées pour le transport du vin) ont été recueillis en différents endroits lors de la fouille. Ce type de récipients est fréquemment retrouvé sur les sites gaulois de la région. Les Gaulois étaient friands de vins produits en Italie ou dans le sud de la Gaule. Ceux-ci deviennent des produits d’importation courants en Gaule de l’Ouest à la fin de l’âge du Fer. Les amphores de Vallet contenant ces précieux liquides étaient fabriquées sur la façade tyrrhénienne (côte ouest) de la péninsule italienne. 

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Types d’amphores découverts à Vallet : amphores gréco-italiques et Dressel 1.

© S. Lemaître

Quel statut pour ce site gaulois ?

Une seule monnaie gauloise a été découverte sur le site de La Prestière : un potin à tête de taureau, coulé en alliage de cuivre et d’étain. Un fer de lance, unique élément d’armement, a également été mis au jour à la limite de l’espace rituel. Mais la découverte la plus significative est celle d’un anneau passe-guide en bronze coulé, objet exceptionnel pour la Gaule de l’Ouest et marqueur de l’aristocratie gauloise. Cet objet participait du harnachement des chars et des attelages. À lui seul, il permet d’affirmer la présence d’une caste aristocratique à La Prestière.

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L’anneau passe-guide en bronze du site de La Prestière à Vallet.

© Inrap

La présence de ces objets rares ainsi que d’autres indices (surface de l’occupation, nombre de puits, espace rituel, enduits sur torchis, etc.) confèrent au site gaulois mis au jour à Vallet un statut très particulier : établissement rural à caractère aristocratique (délimité par un système de fossés) ou agglomération (habitat ouvert) ? La question reste en suspens... 

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Potin à tête de taureau découvert sur le site de La Prestière à Vallet.

© Inrap

Complément d’enquête avec les archéosciences

Des prélèvements de sédiments dans les comblements des fosses et des puits de Vallet ont été confiés à des spécialistes, pour des études de palynologie (étude des pollens) et de paléoparasitologie. Les résultats de ces études palynologiques mettent en évidence, pour l’âge du Bronze, un couvert forestier dense, composé d’une importante population de chênes et de tilleuls, mais aussi des noisetiers, des hêtres, des ormes, des érables et de pins. Fougères et arbustes y prospèrent. 

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Observation au microscope optique de pollens : 1. Chêne (Quercus) ; 2. Tilleul (Tilia) ; 3. Houx (Ilex) ; 4. Céréale (Cerealia) ; 5. Fêve (Vicia faba) ; 6. Ponte de tardigrade.

© Delphine Barbier-Pain, Inrap

À l’époque gauloise, le paysage est plus ouvert. Les chênes sont moins nombreux. Les clairières, prairies et champs dominent. Les pollens de graminées (herbes de bords de chemins ou de clairières) et de céréales témoignent d’un paysage largement façonné par les activités humaines.

... et les parasites fossilisés

La paléoparasitologie est une science qui se base sur la recherche, dans les sédiments anciens, d’œufs de vers intestinaux parasitant l’homme ou les animaux. Elle apporte des informations sur l’état sanitaire des populations et leur alimentation. Elle permet aussi de caractériser la fonction des structures étudiées et renseigne sur la gestion des déchets. À Vallet, les études menées sur les sédiments montrent la présence d’œufs de parasites intestinaux affectant la population gauloise et le cheptel d’animaux domestiques. Elles pointent des problèmes d’hygiène et de pollution fécale susceptibles de générer des maladies. 

Une longue histoire en héritage

Les recherches archéologiques menées sur la ZAC de La Prestière à Vallet permettent de retracer l’histoire de ce site, caractérisé par la présence d’un vallon ancien et d’une ressource en eau abondante. Succédant aux premières occupations de l’âge du Bronze, un site gaulois majeur doté d’un probable espace rituel et accueillant une population nombreuse s’y est implanté. Deux hypothèses demeurent : celle d’un établissement rural à caractère aristocratique (habitat délimité par un système de fossés) ou celle d’une agglomération (habitat ouvert). La question de l’appartenance de Vallet aux peuples gaulois des Namnètes ou des Ambilatres, un peuple cité par Jules César, mal localisé et correspondant hypothétiquement au Pays de Retz et au nord de la Vendée, n’est pas tranchée. Des traces d’occupation aux époques suivantes, notamment à l’Antiquité et durant le haut Moyen Âge ont également été mises au jour par les archéologues, ainsi que des fossés d’Époque moderne, témoignant d’une longue occupation humaine.

L’empreinte gauloise dans la morphologie urbaine de Vallet

La fouille des vestiges du sous-sol a été complétée par une étude documentaire (étude des archives). La confrontation des données de fouilles au cadastre napoléonien (établi au début du XIXe siècle) montre que par endroits les tracés protohistoriques, tels que les limites de fossés gaulois, se superposent exactement aux limites cadastrales anciennes et actuelles. Ainsi peut-on affirmer que la trame urbaine et parcellaire de Vallet est en partie héritée des fossés dessinés à la fin de l’âge du Fer.

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Vue des vestiges d’une maison gauloise de Vallet.

© Inrap

Aménagement : Ville de Vallet
Recherches archéologiques : Inrap
Prescription et contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie Drac Pays de la Loire
Responsable de recherches archéologiques : Roland Le Guévellou, Inrap