La fouille, prescrite sur 5 740 m², se situe à Cognac. Elle répond aux projets de réaménagements du site de la Richonne, propriété historique de la société JAS Hennessy. Le projet consiste en la création de bureaux et d’un parking souterrain. Le site est situé intra-muros, en contrebas du château. Deux types d’occupation ont pu être distingués. Le premier correspond à une occupation médiévale mêlant habitat et espaces de stockages. Le second intervient au XVIIe siècle avec le développement du couvent de Cordeliers (église et cloître) aux abords duquel s’étend un îlot d’habitations avec caves et jardins attenants.

Chronique de site
Dernière modification
16 janvier 2024

Un diagnostic archéologique réalisé en 2022 (Montigny, 2022) avait confirmé le fort potentiel archéologique de ce secteur situé en contrebas du château de Cognac, à proximité immédiate de la porte Saint-Jacques qui débouchait sur le port tout en assurant un franchissement du fleuve Charente vers le faubourg Saint-Jacques. La fouille en cours a permis de confirmer la bonne conservation des vestiges de l’an mil jusqu’au XIXe siècle. Une première phase d’occupation mêlant structures de stockages (silos, fosses…etc) et diverses formes d’habitat (bâti excavé sur poteaux, ensembles maçonnés et/ou sur solins) a précédé une réhabilitation du site au profit de l’établissement religieux. Ce dernier se développe alors en marge d’un ilot d’habitat composé de vastes bâtisses pourvues de caves et de jardins en arrière-cours. Les lieux sont progressivement investis et réhabilités au sortir de la Révolution française par Hennessy afin d’y intégrer les différentes phases de production du cognac.

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Sol de la galerie présentant les lettres « S F » (Saint-François).

© Inrap


Développement de la ville

Le développement de la ville de Cognac semble se constituer autour de deux pôles au cours du Moyen Âge : l’église Saint-Léger, d’une part, ancienne propriété des Bénédictins dont l’édifice roman se distingue encore nettement dans le paysage urbain et le château, d’autre part, situé en sommet de coteau surplombant le fleuve Charente. Ce dernier est mentionné dès l’an mil. Ces deux pôles sont ceints au début du XIIIe siècle d’une muraille qui réunit l’ensemble du bourg de Cognac.

Le site fouillé par l'Inrap est situé intra-muros en contrebas du château. La porte Saint-Jacques, reprise à la fin du XVe siècle, marque l’entrée nord de la ville suite au franchissement de la Charente. La voie protégée par la porte monumentale borde la frange nord du site.

La ville de Cognac n’est pas épargnée par les conflits, notamment durant la période de la Fronde qui entraîne une destruction du couvent médiéval fondé en 1240 en dehors de l’enceinte urbaine. Ce dernier est alors déplacé et reconstruit vers 1660 au sein d’une parcelle située intra-muros, cette dernière couvrant la moitié sud du secteur étudié. Vendus à la fin du XVIIIe siècle en tant que bien national, les bâtiments du couvent sont réhabilités et progressivement rachetés avec le reste de l’îlot urbain par Hennessy qui y développe ses différentes activités de production du cognac.

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Potager et cheminée appartenant à une cave remblayée au début du XIXe siècle.

© Inrap 

Des activités agro-pastorales en marge du château

En dépit de sérieuses perturbations dues aux aménagements de la période moderne, de nombreux vestiges attestent une occupation dès l’an mil. Celle-ci se manifeste sous la forme d’une vingtaine de de fosses et/ou silos répartis sur la moitié nord du site, au plus près du château. L’occupation paraît toutefois assez lâche. Au moins deux bâtiments sur solins ont également été observés ainsi qu’un fond de cabane à poteaux corniers. Ces derniers se concentrent sur une seule partie du site et suggèrent le maintien d’un habitat sommaire.  

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Bâtiment à poteaux corniers (Xe-XIIe siècles) partiellement épargné par le creusement des caves des bâtiments de la période moderne (XVIIe-XIXe siècles).

© Inrap



Un îlot urbanisé tardivement

L’urbanisation de l’îlot ne semble pas effective avant la fin du Moyen Âge. Des bâtiments sur caves s’installent alors en confrontation de la rue actuelle. Si la compréhension de ces espaces pour les périodes les plus anciennes demeure complexe à appréhender au regard des caves maintenues et reprises jusqu’au XIXe siècle sur l’ensemble de l’emprise étudiée, l’organisation du bâti n’évolue guère. Celle-ci consiste dans la construction de bâtiments sur caves (14 caves identifiées) à l’arrière desquels se maintiennent des espaces ouverts (cours et jardins) généralement pourvus de latrines. Les bâtiments édifiés dans la seconde moitié du XVIIe siècle participent d’une réhabilitation complète du bâti avec des constructions d’apparats.


L’installation du couvent

Les destructions subies durant les guerres de religion puis l’épisode de la Fronde s’accompagnent de restructurations importantes au sein de la ville de Cognac. Elles se concrétisent, sur le secteur étudié, par l’installation du couvent des Cordeliers. Une grande partie de l’église et du cloître ont été dégagés au cours de la fouille. L’aile nord est occupée par des chapelles funéraires qui se présentent sous la forme de caveaux funéraires excavés. Seules onze sépultures ont toutefois été épargnées par les importantes perturbations opérées au cours la vente du site en tant que bien national. Le cloître, pour sa part, témoigne d’un très bon état de conservation.

La fouille quasi exhaustive de cet ilot rend compte d’informations inédites sur le développement de la ville de Cognac depuis l’an mil. Le secteur paraît peu urbanisé avant la fin du Moyen Âge. La construction de l’enceinte de réunion au XIIIe siècle puis le développement de son port saunier ont probablement participé à l’essor de l’habitat. Les conflits subis par la ville ont certes altéré son développement et contraint à d’importantes réhabilitations dont le quartier constitue un témoin monumental encore perceptible de nos jours avec la reconstruction des bâtiments de la société Hennessy.

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Fragment de stuc appartenant possiblement à une corniche (fin XVIIe-XVIIIe siècles) et découvert dans le remblai d’une cave.

© Inrap

Aménagement : Société JAS HENNESSY & CO
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie Poitiers (Drac Nouvelle-Aquitaine)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Emmanuel Barbier, Inrap