À Châlons-en-Champagne, en suivant les travaux de construction d'un réseau de chaleur enterré, les archéologues de l'Inrap ont retrouvé des traces de la voie romaine d’Agrippa, de la porte médiévale Saint-Jacques du XVe-XVIIIe siècles, de l’enceinte du XIIIe-XVIIIe siècles, d'une nécropole antique et de deux quartiers d’habitats antiques dont l’un est associé à une zone artisanale. 

Dernière modification
09 juin 2023

Du 2 août 2021 au 22 juin 2022, une équipe d’archéologues de l’Inrap a mené, sur prescription de l’Etat, une fouille à Recy, Saint-Martin-sur-le-Pré et Châlons-en-Champagne (Marne). Sans diagnostic au préalable, l’opération a été conduite en suivant le rythme d’avancement des travaux de construction de la tranchée du Réseau de Chaleur Enterré, dit « réseau Cloé ». L’emprise de cette première intervention est de 26 000 m2, sur une largeur de tranchée variant d’1,60 m à 2,20 m et une profondeur entre 1,50 m et 2,20 m.

L’opération concerne des zones rurales le long de la RN44 et urbaines à Châlons-en Champagne : chemin de Bouy, avenue Sarrail, carrefour de Verdun et rue des Martyrs de la Résistance au sein de la ville médiévale. Son tracé traverse différents contextes géologiques et géomorphologiques (versants crayeux, vallons secs, terrasses alluviales anciennes, placages de loess…), l’opération permet donc de documenter l’évolution des paysages, il y a plus de 17 000 ans.

À Recy : une fosse de chasse réutilisée en sépulture

Dans cette emprise, la principale découverte est une fosse de chasse qui a été réutilisée en tombe par la suite. Son caractère exceptionnel et sa localisation en zone rurale ont permis de la fouiller intégralement. D’après l’étude, cette fosse contenait une femme âgée probablement inhumée dans une enveloppe souple de type sac et une couverture en matière périssable.

Chalons 1

Vue du squelette découvert dans la fosse de chasse.

© Cécile Paresys, Inrap

À Châlons-en-Champagne : la voie d’Agrippa reliant Lyon à Boulogne-sur-Mer

Les archéologues ont retrouvé des vestiges de la voie romaine d’Agrippa, qui date du Ier siècle avant notre ère et relie Lyon à Boulogne-sur-Mer. Des couches de craie des XVet XVIIIe siècles, dans la partie supérieure de cette voie, témoignent de sa réfection au fil des époques.

Les archéologues ont également récolté des objets qui permettent de préciser la chronologie (fragments de tuiles, fers à cheval, clous…). La découverte de trois monnaies en bronze dans des ornières, à 2 mètres de profondeur, confirment une circulation autour du changement d’ère.

Chalons 2

Vue générale d’une extension (lyre) et des horizons successifs de circulation.

© Boris Marie, Inrap


Un ancien sol Allerød (entre 13 800 et 12 800 avant notre ère)

Au sein de la ville médiévale dans la rue des Martyrs de la Résistance étudiée sur 446 mètres de long, les archéologues ont retrouvé un niveau de sol très ancien, se traduisant par un horizon brun spécifique, fruit d’une transformation du sol (pédogenèse). Ce substrat est en lien avec la dernière phase de la période glaciaire durant laquelle un réchauffement climatique s’était produit (Allerød : phase datant d’environ 13 800 à 12 800 ans avant notre ère). Ce sol n’a pas livré de vestiges, mais il complète utilement des informations déjà connues sur la région.

Une zone artisanale et un habitat 

Une vingtaine de puits romains, circulaires ou carrés, scellés par des niveaux de circulation allant de l’époque médiévale à nos jours, ont été relevés par les archéologues. Ces puits ne contenaient pas de cuvelage maçonné ou en bois. Ils révèlent la présence d’une zone artisanale romaine riche en rejet de métallurgie et céramiques, qui était jusqu’alors inconnue dans ce secteur. A proximité des puits, quatre caves d’époque romaine ont été découvertes. L’une d’elles contenait des vestiges de maçonnerie et des enduits peints de couleurs rouge, blanc, jaune.

La suite d’une nécropole antique (Bas Empire) 

À l’intersection de la rue des Martyrs et de la rue Thibault des Murs, les archéologues ont complété les informations sur une nécropole antique qui avait été fouillée il y a longtemps mais en partie seulement. Dans l’emprise du réseau de chaleur « Cloé », six tombes ont ainsi été mises au jour et étudiées partiellement car certaines se poursuivaient dans une zone hors emprise.

Chalons 6

Vue de détail du pied avec présence de petits clous attestant la présence de chaussure portée.

© Stéphanie Desbrosse-Degobertière, Inrap

Dans l’une d’entre elles, des petits clous en fer sous un pied indiquent que le défunt portait des chaussures. La moitié des tombes contenait de gros clous, traces restantes d’un cercueil. Dans l’une des sépultures, les archéologues ont retrouvé uniquement des objets qui devaient accompagner le défunt : vaisselle en céramique, restes d’animaux et une monnaie.

Chalons 7

Vue du dépôt funéraire (céramique et faune).

© Stéphanie Desbrosse-Degobertière, Inrap


Un second îlot d’habitat antique 

Sept caves antiques forment un second quartier d’habitat. Dans certaines de ces caves, des sols en craie ainsi que des fosses aménagées, probablement pour stocker des vases, ont été identifiés. Des empreintes de poteaux en matière périssable en dessous des sols confirment l’existence d’une occupation antérieure. La zone d’accès de deux caves a été retrouvée ainsi que des murs en craie pour l’une d’entre elles.

Le carrefour de Verdun : le rempart (XIIIe-XVIIIe) et la porte Saint-Jacques (XVe-XVIIIe)

Au carrefour de Verdun, les archéologues ont exploré une zone de 288 mètres de long en lien avec l’époque médiévale. Ils ont documenté les traces d’un fossé d’environ 20 mètres de largeur correspondant au rempart de la ville de Châlons-en-Champagne construit durant le XIIIe siècle puis démonté au XVIIIe siècle. Si la côte de profondeur et la largeur de la tranchée d’installation du réseau de chaleur n’a pas permis d’obtenir le profil complet de ce fossé, son ancien comblement suit une orientation caractéristique d’un aménagement de rempart.

Trois maçonneries du système d’accès au rempart, correspondant à la porte Saint-Jacques (XVe- XVIIIe siècles) ont été mises au jour. La première révèle plusieurs états de construction et un angle, probable trace d’un accès. La deuxième correspond à un départ de voûte pouvant s’assembler avec un deuxième, similaire, également retrouvé sur place.

Chalons 11

Vue de la troisième maçonnerie aux blocs de dimensions imposantes.

© Nathalie Paquet, Inrap

La troisième maçonnerie est une concentration de blocs imposants. Un boulet de canon a été retrouvé à proximité. Des vestiges du rempart ont aussi été étudiés un peu plus loin, à proximité du boulevard Anatole France.

Chalons 12

Vue de la maçonnerie correspondant au rempart qui ceint la ville.

© Marion Guiblais-Starck, Inrap

Aménageur : Ville de Châlons-en-Champagne Engie Solutions Société Champenoise d’Énergie
Contrôle scientifique : Service Régional de l’Archéologie (Drac Grand-Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Alexandra Ribeiro, Inrap