En amont du projet de création d’un lotissement par la société Jabouley, une fouille a été prescrite par le Service Régional de l’Archéologie (SRA) de Normandie sur une emprise de 5000m2 à Toussaint, faisant suite à une phase de diagnostic réalisée en 2022. Les archéologues de l'Inrap ont mis en évidence deux phases d’occupations humaines : la première datant du Mésolithique et la seconde de l’époque gallo-romaine.

Dernière modification
08 décembre 2023

Une halte pour les derniers chasseurs-collecteurs

La fouille a principalement mis en évidence une occupation datant de la période du Mésolithique qui s’étale d’environ 10 000 à 6000 ans avant notre ère. Il correspond à une période qui débute avec la fin de la dernière période glaciaire et qui se termine avec le début des pratiques d’agriculture et d’élevage (pratiques qui signeront le début de la période suivante : le Néolithique). Il s’agit donc de la période ayant vu vivre les derniers chasseurs-collecteurs semi-nomades européens.

Le cadre paléo-environnemental et chronologique des vestiges mésolithiques de Toussaint s’inscrit ainsi dans une phase de changement climatique profond entamée il y a environ 13 000 ans. La métamorphose des paysages normands se traduit alors par la disparition de la steppe froide et aride du Paléolithique au profit d’un couvert forestier sous climat tempéré et humide. Les groupes mésolithiques, adaptés aux biotopes forestiers interglaciaires, colonisent alors les plateaux cauchois abandonnés lors du dernier maximum glaciaire. La proximité avec le domaine littoral devait leur être attractive à plusieurs titres en termes de ressources animales et de matériaux (silex).
Le paysage contemporain de l’occupation du site de Toussaint, au début de l’Holocène, était toutefois encore relativement ouvert avec des forêts clairsemées et fréquentées par des cerfs, chevreuils, sangliers et aurochs. Les découvertes de cette période restent exceptionnelles en Normandie et c’est dans ce contexte rare que la fouille est menée sur ce site.

Toussaint 2

Fouille manuelle par des archéologues.

© Inrap


 

Une industrie lithique importante

Les vestiges mis au jour correspondent à un minimum de sept zones distinctes d’environ 100m2 chacune, signalées par la présence d’industrie lithique (silex taillé) ainsi que d’un probable foyer (aménagement appareillé par des silex). Le site révèle des espaces abritant des activités semblant manifestement différentes mais contemporaines.
D’ores et déjà, cette occupation ouvre un champ d’étude considérable quant à la gestion des matières premières, aux volontés techniques du ou des tailleurs ainsi qu’à l’outillage employé par les humains d’alors. Des comparaisons seront entreprises avec le site fouillé à l’occasion de la construction du centre hospitalier intercommunal de Fécamp, à la Plaine-Saint-Jacques, qui paraît au premier abord très proche du site de Toussaint.

La phase chrono-culturelle qu’est le Mésolithique est particulièrement compliquée à appréhender dans le cadre de l’archéologie préventive. La rareté et les dimensions réduites des vestiges de cette période rendent difficile leur découverte et le site de Toussaint est l’un des dix reconnus pour la Normandie orientale. Les vestiges mis au jour se résument exclusivement à des silex taillés. L’industrie lithique permet cependant de documenter la technologie du débitage mis en œuvre par les tailleurs du Mésolithique : leurs gestes, les matériaux et le contexte d’acquisition de la matière première utilisée… Le développement à cette époque des techniques de chasse à l’arc conduit à l’émergence de toute une panoplie de nouvelles armatures pour les flèches. La volonté de miniaturisation des pointes en silex conduit les tailleurs à adapter leurs méthodes de taille afin d’obtenir de façon standardisée des supports appelés communément lames ou lamelles qui pourront être utilisées en tant qu’outils ou servir à la confection d’armatures pour les projectiles.


 

Des analyses paléo-environnementales et physico-chimiques

Le contexte sédimentaire, notamment le pH du sol de cette partie de la plaine ne favorise malheureusement pas la préservation des restes organiques et en particulier osseux. L’absence de restes osseux interdit donc tout renseignement sur l’alimentation carnée des chasseurs-collecteurs mésolithiques de Toussaint. Afin de pallier cette situation, un certain nombre d’analyses paléo-environnementales et physico-chimiques seront engagées afin de tenter d’apporter de précieuses informations sur l’environnement immédiat du site (comme la recherche de corps gras au sein de certains types de minéraux présents dans la zone du foyer mis au jour). Si ces analyses fonctionnent, elles donneront accès à tout un spectre de renseignements quant à l’origine des produits portés à la cuisson (végétaux, animal terrestre ou marin…). Le prélèvement et le tamisage des sédiments permettront d’isoler les éventuels charbons et autres restes végétaux potentiellement présents et renseigneront sur les essences de bois utilisées dans ce foyer.

Les fouilles conduites sur la commune de Toussaint apporteront des informations inédites sur les populations de cette période encore mal connue qu’est le Mésolithique mais aussi sur l’environnement immédiat à la fin de la Préhistoire. Elles offriront un champ d’étude et de comparaison régional et extra-régional important au regard de la rareté des sites comparables localement.

Toussaint 3

Fouille manuelle par des archéologues.

© Inrap


 

Un enclos gallo-romain

L’occupation gallo-romaine se singularise quant à elle par une unité foncière délimitée par des fossés enserrant un certain nombre de structures vraisemblablement domestiques (trous de poteaux, fosses de rejets de déchets etc.). Au sein de ces structures, des récipients en céramique nous permettent de déterminer la période d’occupation mais aussi d’obtenir des informations sur les modes culinaires ou encore les influences culturelles que cette unité familiale connaissait à travers l’empire romain (via la provenance de la vaisselle, etc..).

Aménageur : Sarl Jabouley et Partners
Contrôle scientifique : Service régional de l’Archéologie (Drac Normandie)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Bruno Aubry, Inrap