Sur prescription et contrôle de l’Etat (Drac Auvergne Rhône-Alpes), les archéologues de l’Inrap ont mené une fouille sur le Castel-Franc, monument emblématique du « Vieux Vichy ». L’étude, réalisée dans la continuité d’un diagnostic archéologique (SAPDA, 2021), a permis de mieux appréhender les évolutions de ce secteur de la ville du Moyen Âge à la période contemporaine.

Dernière modification
06 décembre 2023

De nouvelles données sur l’enceinte médiévale de Vichy ?

La structuration médiévale de la ville de Vichy reste encore aujourd’hui très largement méconnue. Une population se regroupe sous l’autorité d’un seigneur « de Vichy », au milieu du XIIIe siècle, sur le rocher dit « des Célestins ». Au milieu du XIVe siècle, Vichy, jusqu’alors auvergnate, devient progressivement une possession bourbonnaise, grâce à de nombreux achats et échanges de droits seigneuriaux. La ville se développe alors autour d’un pôle castral. Il faut attendre le début XVe siècle pour que cet espace urbain soit fortifié (1409). Une portion de cet ouvrage défensif a été appréhendée durant l’opération archéologique de 2023. Un mur de courtine, couronnée de créneaux, a ainsi été reconnu sur plusieurs mètres. Il se conforme aux importantes dénivellations du rocher, qui est ici identifié comme un dépôt de travertin. En contrebas de cet ouvrage défensif, la découverte de dépôts alluviaux confirme la présence toute proche, voire affleurante, de l’Allier.

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Vue du Castel-Franc depuis le boulevard John Kennedy.

© Mathilde Duriez, Inrap


Un îlot urbain de la fin du XVe siècle-début du XVIe siècle

La fouille a mis en évidence deux bâtiments, datés de la fin du XVe siècle-début du XVIe siècle. Ces derniers prennent place en bordure du rocher, à l’extérieur de la ville fortifiée, contre le mur de courtine. Leur simple reconnaissance témoigne de l’abandon partiel des aménagements fortifiés de la ville, avec une colonisation des remparts par diverses constructions. Ces dernières sont alors possibles en raison d’un recul progressif de l’Allier, vers sa rive sud, attesté à partir de la fin du XVe siècle, qui laisse des espaces vierges de toute construction à exploiter.

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Vue du Castel-Franc depuis la rue Verrier. La tour d’escalier est inscrite aux Mounuments Historiques.

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Mathilde Duriez, Inrap

La mitoyenneté de ces deux bâtiments desservis par l’actuelle rue Verrier a été pensée dès leurs construction (chaine d’angle). Le premier bâtiment est conservé sur plus de 10 m de hauteur. Il se développe autour d’une tour carré, renfermant un escalier à vis en pierre de taille qui dessert plusieurs niveaux de plancher. Au rez-de-chaussée, une vaste pièce - une cuisine - est dotée d’une cheminée centrale encadrée par deux petits placards.

Le second bâtiment, conservé sur deux niveaux, est accessible depuis la rue grâce à une porte piétonne. Le rez-de-chaussée, doté d’une cheminée, se structure autour d’un pilier central. Ce bâtiment, repose sur une cave, voutée en berceau, partiellement enterrée, contrainte par la topographie du site et par le parcellaire urbain. Construction soignée, cette cave donne sur la rue via une annexe. Jusqu’alors reconnue comme une simple trappe à charbon, cette annexe est aujourd’hui identifiée comme une descente d’escalier. Les représentations graphiques anciennes associent cette dernière à un appentis.

Une transformation en hôtel particulier néogothique (XIXe siècle)

Du XVIe siècle jusqu’au XVIIIe siècle, les différents propriétaires du bâtiment profitent du démantèlement des fortifications de la ville pour l’agrandir, l’embellir et le doter de dépendances. Il faut cependant attendre 1885 pour que Charles Graviers du Monsseaux, transforme cet ensemble de bâtiments hétéroclites en un vaste hôtel particulier de style néogothique. Un programme architectural cohérent est alors suivi pour la création du « Castel-Franc ». Plusieurs étapes de construction ont été identifiées grâce aux observations archéologiques, associées aux données archivistiques. Un aspect néogothique est donné à la façade sud du bâtiment, avec l’ajout de tourelles, de murs crénelés et de fenêtres à meneaux. Ces aménagements monumentaux se laissent observer depuis les promenades arborées des berges de l’Allier, voulues par Napoléon III. À l’intérieur, les niveaux de circulations anciens hétérogènes sont remplacés par de nouveaux planchers harmonisés. Une organisation intérieure, sous forme de pièces en enfilade, est mise en place, grâce à la construction de nombreux murs de refend. Chaque pièce est alors dotée de cheminée. Ces aménagements transparaissent sur la façade nord du bâtiment qui a cette occasion est percée de nombreuses fenêtres à meneau ou de fausses archères.

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Âtres et conduits de cheminée superposés (XVe – XXe siècle).

© Inrap


Le musée de la Compagnie fermière de Vichy (début du XXe siècle)

Après le décès de Charles Graviers du Monsseaux en 1928, la compagnie fermière de Vichy achète l’hôtel particulier pour en faire un musée. Entre 1936 et 1938, Gustave Simon, architecte de la compagnie, réalise plusieurs aménagements. Le premier changement concerne la mise en place d’un escalier tournant à deux volées droites pour relier le rez-de-jardin au rez-de-chaussée. La construction de cette entrée monumentale entraîne un remaniement important des parties basses du bâtiment et la création d’une enveloppe architecturale en contre-plaqué. Parallèlement, des cloisons et des murs de refend sont détruits ou percés aux différents étages du bâtiment pour l’aménagement de nouvelles circulations plus adaptées à un musée (projet de 1936). Le second changement correspond à l’agrandissement du bâtiment avec l’adjonction de l’ancienne buanderie — de forme octogonale — de la villa voisine au nouveau musée (projet de 1937). Les extérieurs du bâtiment sont plus tardivement mis en valeur. En juillet 1936, le parc est encore à l’état de « jardin potager  ». Il faut attendre 1949 pour que le jardin « à la française » soit réalisé. Du lapidaire antique et renaissance est alors exposé dans ces jardins pour le plus grand bénéfice des visiteurs.

Aménagement : SAS MAJESTIC
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Mathilde Duriez, Inrap