Le château de Villers-Cotterêts deviendra en 2022, au terme d’une campagne de restauration importante, la Cité internationale de la langue française. En préalable aux travaux de rénovation pilotés par le Centre des monuments nationaux, une fouille archéologique préventive a été menée par des archéologues de l’Inrap et du service archéologique de l’Aisne dans trois secteurs du château : la cour du jeu de paume du XVIe siècle, l’arrière du château côté jardins et le jardin des dames.

Dernière modification
27 juillet 2021

Destiné à accueillir la future Cité internationale de la langue française et à devenir « un lieu de création, d’innovation et de diffusion de la culture en langue française dans le monde », le château de Villers-Cotterêts fait l’objet depuis 2019 d’un chantier de restauration d’envergure (23 000 m2 de bâtiments) piloté par le Centre des monuments nationaux (CMN). Ces travaux sont destinés notamment à rendre à l'édifice ses volumes intérieurs initiaux (XVIe-XVIIIe siècles). Ceux-ci ont été altérés par les aménagements du dépôt de mendicité et de la maison de retraite intervenus entre 1808 et 2014. Préalablement, les archéologues de l’Inrap et du service archéologique de l’Aisne (responsable scientifique de l'opération : Thierry Galmiche) s’attachent à comprendre l'évolution de l'édifice depuis le château médiéval jusqu’aux aménagements les plus récents.

De la Malmaison à la maison de retraite

Situé à proximité de la forêt de Retz, dans l’ancien Valois, le château de Villers-Cotterêts est au Moyen Âge une possession de Louis d’Orléans, probablement un poste de garde sans grand rôle stratégique, la « Malmaison ». En 1528, l’ancien château médiéval est transformé en résidence royale par François Ier qui y signe, en août 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts par laquelle il impose la langue française à la place du latin dans tous les actes officiels de l’administration et de la justice (« en langage maternel françois et non autrement »), et institue les registres paroissiaux qui, recensant naissances et décès, préfigurent l’état civil. En 1661, le château royal est offert par Louis XIV à son frère, Philippe d’Orléans. Propriété des ducs d’Orléans qui le transforment en profondeur, le château restera un lieu de fêtes jusqu’à la Révolution française. En 1808, il devient un dépôt de mendicité. À la fois prison et hospice, il accueille un millier de mendiants, de délinquants, de vieillards ramassés dans les rues parisiennes qui y vivent dans des conditions quasi carcérales. À la fin du XIXe siècle et jusqu'en 2014, il devient une maison de retraite. Lors de cette dernière phase d’occupation, le château a subi plusieurs dégradations importantes, dont notamment la création d’entresols qui ont modifié ses volumes initiaux. L'édifice a été fermé au public en mai 2015 pour des raisons de sécurité, l’escalier d’honneur, la chapelle et l’escalier du roi ayant été jugés dangereux.

Détail du grand escalier à caissons, ornés de la salamandre, l'emblème de François Ier.

Détail du grand escalier à caissons, ornés de la salamandre, l'emblème de François Ier.

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Denis Gliksman, Inrap


En dépit de ces dégradations, l’édifice a conservé ses éléments les plus éclatants, notamment sa façade méridionale avec loggia (attribuée à Philibert de l'Orne), sa chapelle et son grand escalier à trois niveaux et à caissons sculptés et ornés du lys, de l’initiale couronnée de François Ier et de la salamandre, son emblème, ainsi que son petit escalier (escalier de la reine) décoré de sujets mythologiques et allégoriques.

Au nord, du côté des jardins

Les fouilles archéologiques menées entre mai et août 2020 ont permis de mettre au jour d'importants vestiges et de reconstituer en grande partie le plan du château médiéval de la Malmaison. À l’arrière du logis royal, les archéologues ont montré que le bâtiment Renaissance prenait appui sur la semelle du château médiéval, arasé au début du XVIe siècle et qu’il était construit avec les pierres retaillées de l’ancien édifice.

Les vestiges de l'ancien château médiéval (La Malmaison), dont la tour carrée (à l'arrière du logis royal).

Les vestiges de l'ancien château médiéval de Villers-Cotterêts (La Malmaison), dont la tour carrée (à l'arrière du logis royal).

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Denis Gliksman, Inrap


Ils ont aussi fait apparaître les vestiges d’une tour carrée du château médiéval, ainsi que des petites canalisations avec tuyauterie. Celles-ci appartenaient au système d’adduction d'eau qui, venant de la forêt à la Renaissance, alimentait les fontaines, le château et son fossé. Des traces des aménagements du XVIIIe siècle aujourd’hui disparus ont été mises au jour comme le perron et la terrasse qui surplombaient les jardins.

L’ancien jeu de paume

Les archéologues sont également intervenus dans la cour de l’ancien logis de François Ier. Cet espace ouvert accueillait un jeu de paume - activité très prisée des rois - considéré au début du XVIe siècle par Balthazar Castiglione (écrivain et diplomate italien) comme « un noble exercice fort convenable, respectant la prestance digne des gentilshommes ». « La courte paume », version pratiquée plutôt en salle, se joue en simple ou en double (mais parfois le nombre était impair) et consiste à se renvoyer une balle passant au-dessus d’un filet qui divise le terrain en deux. Les murs et les toits des galeries latérales font partie intégrante du jeu et permettent au joueur de faire rebondir la balle. Le terrain est asymétrique : les deux parties du terrain possèdent des différences caractéristiques, ce qui rend le jeu complexe.

Dans la première moitié du XVIe siècle une modification majeure est introduite : les jeux de paume gagnent un espace au sein même du château. Ils sont aussi ceinturés de murs, bordés de galeries pour accueillir les spectateurs, favorisant le ricochet spectaculaire des esteufs (balles), exigeant de la part des joueurs une dextérité qui « épate la galerie ». C’est dans ce contexte de mutation et d’émulation qu’est né le (premier) jeu de paume de Villers-Cotterêts. Par ses dimensions de 39 m sur près de 18 m de large, la salle de Villers-Cotterêts constitue « le prototype » des jeux de paume qui seront construits par la suite.

Les visiteurs assistent aux parties soit depuis des galeries basses couvertes à l’intérieur, ou depuis les appartements royaux dans le cas de Villers-Cotterêts. La fouille archéologique menée en 2020 a mis au jour les bases des anciennes galeries et l’aire de jeu ou « carreau » du jeu de paume (d’où l’expression « rester sur le carreau », parmi la vingtaine expressions et mots issus du jeu de paume conservés dans la langue française). Celui-ci est constitué d'un radier de pierre ou pavement, initialement couvert par un dallage de terre cuite. Le carreau de Villers-Cotterêts a fait l’objet d’au moins deux réfections entre 1552 et 1610, sans doute en raison de la nature de ses dalles en terre cuite qui s’avèrent peu résistantes aux intempéries.
Le mur en biais, taillé en biseau sur le versant est, pourrait correspondre au « tambour » qui complexifie le jeu en favorisant les rebonds. Celui de Villers-Cotterêts demeure une énigme car il est mal situé par rapports aux règles connues.
En remplacement de ce jeu de paume en extérieur, un second a été établi dans le bâtiment dit « du Jeu de Paume », entre 1762 et 1767, par Louis-Philippe d’Orléans. Ce bâtiment restera utilisé pour la maison de retraite jusqu'en 2014.

Aménagement : Centre des monuments nationaux
Contrôle scientifique : Alexandre Audebert (Service régional de l’archéologie)
Responsable scientifique : Thierry Galmiche (département de l’Aisne)
Recherche archéologique : Inrap/service archéologique de l’Aisne
Responsable de secteur : Aurélie Raffin, Inrap
Équipe de recherche (Inrap) : Michel Baillieu, Vincent Bionaz, Lucile Bruneaux, Fabien Buffet-Desfard, Jérémie Cukierman, Rudy Debiak (topographe), Jean-Yves Dufour (spécialiste), Valérie Duvette, Virginie Espaignol, Frédérique Galard, Jérôme Guéquière, Pierre Hébert, Françoise Jobic, Angélique Montes (topographe), Ludovic Notte, Marion Poux, Marie Raimond, Laurine Roussel, Paul Salles, Josette Sarel - Collaborateur scientifique : Guillaume Roquefort (archéologue indépendant Patrimoine)