À Clermont-Ferrand, une fouille de l'Inrap, au sein de l'ancienne église Saint-Genès, a permis la mise au jour de nombreuses sépultures ainsi que la découverte de deux prothèses dentaires inédites du XVIIIe siècle dans l'une d'entre elles.

Dernière modification
01 août 2023

Du 2 mai au 16 juin 2023, une équipe d’archéologues de l’Inrap, sur prescription de l’État (Drac Auvergne - Rhône-Alpes), a fouillé la partie sud de la place Hippolyte Renoux à Clermont-Ferrand, dans le cadre du vaste projet InspiRe - restructuration du réseau de transports en commun et réaménagement de l’espace urbain - conduit par Clermont Auvergne métropole et le Syndicat mixte des Transports en commun de l’agglomération clermontoise (le SMTC-AC). L’emprise de fouille, représentant 189 m², a permis de mettre au jour des vestiges datés du Moyen Âge jusqu’au tout début de l’époque contemporaine.

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Fouille en cours d'une sépulture au sein de l'ancienne église Saint-Genès à Clermont-Ferrand.

© Aurélie Savignat, Inrap

 

L’église Saint-Genès

L’intervention se situe au sein du bas-côté sud de l’ancienne église Saint-Genès dont la fondation serait datée du VIIe siècle et qui a été démantelée en 1794. L’église est principalement connue par des plans anciens de la ville de Clermont. Ses maçonneries n’ont été perçues que sous la forme de tranchées de récupération. Les blocs taillés ont dû être remployés au sein des constructions du XIXe siècle, au moment du réaménagement du secteur.

L’opération de diagnostic, réalisée en 2022, préalablement à la fouille, localisée à quelques mètres plus au nord, avait permis de mettre en évidence trois petites piles maçonnées qui pourraient également être liées à l’une des phases de l’église Saint-Genès.

Plusieurs dizaines de sépultures mises au jour

Au total, ce sont 52 structures funéraires qui ont été découvertes dans la moitié occidentale de la fouille et qui se répartissent sur trois niveaux. Hormis deux d’entre elles, les sépultures sont ad sanctos, c’est-à-dire situées à l’intérieur de l’édifice, au plus près du saint, dans le sous-sol du bas-côté sud. À de rares exceptions, elles respectent la tradition chrétienne qui impose l’inhumation des défunts sur le dos, la tête à l’ouest. Seules deux sépultures ont été retrouvées en-dehors de l’emprise de l’église, probablement à l’emplacement du cimetière paroissial qui entourait l’édifice et qui a été en grande partie détruit par le creusement de caves modernes. Les individus des deux sexes sont présents au sein de l’église et les enfants sont largement sous-représentés.

Des pratiques funéraires variées

Dans les niveaux supérieurs, on note la présence quasi exclusive d’inhumations en contenant périssable. Des traces ligneuses, des alignements de clous en fer et des vestiges de planches en bois ont pu être observés à plusieurs reprises. Ces sépultures sont les seules à contenir du mobilier. Ce dernier accompagne les défunts et consiste pour l’essentiel en des objets de dévotion : chapelets, pendentif cruciforme.

Sur le niveau intermédiaire, ces contenants en bois côtoient un sarcophage monolithe trapézoïdal en trachyte, matériau dont les carrières se trouvent non loin, dans la Chaîne des Puys, et qui constitue un exemplaire unique sur le site. Son couvercle en calcaire gréseux ainsi que son insertion stratigraphique suggèrent un remploi à une époque plus récente. Enfin, dans le niveau inférieur, des sépultures rupestres et des tombes en coffre, toutes anthropomorphes, ont été installées directement dans le sol géologique. Ces architectures funéraires orientent vers des inhumations d’époque carolingienne (milieu du VIIIe - fin Xe siècles). Les coffres sont composites et formés par des alignements de dalles de chant reliées au mortier, recouvertes par un couvercle également composé de plusieurs dalles. Ces derniers sont presque systématiquement scellés par une chape de mortier, qui a permis de conserver l’herméticité de l’espace interne. Ces couvercles étaient pour la plupart en pierre, mais des empreintes ligneuses dans le mortier de la tombe 220 attestent d’un exemplaire de couverture en bois.

À l’origine, l’ensemble des tombes rupestres devaient aussi être obturées mais tous les dispositifs n’ont pas été conservés. Dans ces deux types de contenant, une fine couche de mortier sur le fond de la fosse atteste parfois d’une préparation préalable au dépôt du corps. Par ailleurs, l’un des coffres a fait l’objet d’une préparation particulière ; en effet, les dalles qui le composent ont été recouvertes d’enduit sur leur face interne, les masquant ainsi totalement.

Plus généralement, le port du linceul est attesté à de nombreuses reprises et ce indépendamment du type de contenant grâce à l’observation d’alignements d’épingles, de contraintes sur le corps et parfois même de résidus de tissu.

Un ossuaire installé entre deux murs, par-dessus des sépultures existantes, renfermait les restes d’au moins neuf individus, adultes et immatures. Les ossements ont été déposés lors d’un événement unique et aucune organisation particulière ne transparait. Toutefois, il apparait une sélection préférentielle des os les plus volumineux du corps puisque peu d’éléments de petite taille y ont été introduits.

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Vue générale de l’ossuaire.

© Lisa Donati, Inrap

Une découverte inédite

Lors du diagnostic, deux sépultures d'Époque moderne ont été mises au jour dans l'emprise de l'église. L’une d’entre elles renfermait le squelette complet d’une jeune femme. L’étude des restes dentaires a permis la découverte de prothèses situées sur l’os maxillaire et posées suite à la fracturation des deux incisives centrales.

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Prothèses dentaires.

© Lisa Donati, Inrap

Au nombre de deux, ces prothèses sont parfaitement identiques et avaient probablement une visée esthétique et pratique. Ces dents de substitution se composent d’un pivot métallique à introduire dans la dent préalablement percée et d’une couronne artificielle dont le matériau reste à déterminer (corne, bois de cervidé, os ?).

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Détail des prothèses dentaires.

© Lisa Donati, Inrap

Elles offrent l’illustration parfaite d’un procédé précisément décrit par un chirurgien-dentiste du XVIIIe siècle, Pierre Fauchard, dans son « Traité des dents » paru en 1746, et implique l’intervention d’un praticien ayant de solides connaissances en anatomie bucco-dentaire. À ce jour, elles constituent un unicum sur le plan archéologique. Par ailleurs, leur coût et la complexité de l’intervention, associés à l’emplacement de la tombe au sein d’église, permettent de déduire le statut privilégié de la jeune défunte.

Aménagement : Clermont Auvergne Métropole et SMTC-AC
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Auvergne – Rhône-Alpes)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Aurélie Savignat, Inrap
Responsable archéo-anthropologue : Lisa Donati, Inrap
Responsable du diagnostic : Guy Alfonso, Inrap
Etude dentaire : Paul Lebaron, Inrap