Une équipe de l’Inrap a fouillé une nécropole antique sur une parcelle de 1200 m²  rue Soussillon à Reims. Pour la première fois, sont fouillées des sépultures de l’agglomération gallo-romaine préservées des pillages des antiquaires ou des érudits de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, ainsi que des destructions de la Grande Guerre. 

Chronique de site
Dernière modification
27 septembre 2023

Durocortorum (Reims) capitale de la Gaule Belgique

L’antique Durocortorum était la capitale de la province de Gaule Belgique et était une des plus vastes citées de l’empire romain. La ville s’étendait sur 600 hectares et était délimitée par une puissante enceinte. C’est dans la seconde moitié du XIXe siècle, lors de travaux d’extension de Reims que sont mis en évidence les contours de cette enceinte dite « augustéenne » ainsi que les nécropoles extra muros, localisées aux abords des sept voies d’accès principales (en direction de Boulogne, Soissons, Paris, Lyon, Trèves, Cologne et Bavay). En 22 années de recherches, 5 000 tombes sont explorées et alimentent les collections du musée.

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Vue de la fouille de la rue Soussillon à Reims. 

© Inrap

Reconstituer un savoir archéologique pulvérisé par la Guerre

La Première Guerre mondiale détruit le musée ainsi qu’une grande partie de ses collections et de sa documentation. Hormis la connaissance de la topographie des espaces funéraires, très peu de choses subsistent donc des fouilles de ces nécropoles antiques. Le tracé de la « grande enceinte » n’a été que peu exploré par l’archéologie et présente des zones d’incertitude que chaque découverte complète. Dans ce contexte, la découverte d’une portion de nécropole intacte rue Soussillon constitue une découverte exceptionnelle pour les archéologues rémois. 

La nécropole

Les 1 200 m² fouillés rue Soussillon ne représentent qu’une portion d’une vaste nécropole antique qui se développait largement hors emprise, sur une parcelle contiguë déjà lotie ainsi que de l’autre côté de la rue sur une grande parcelle explorée partiellement en 1965. Sur une petite butte de craie alluvionnaire, les vestiges funéraires consistent en une vingtaine d’inhumations en cercueils cloués ainsi que quelques crémations. Ils sont entourés de larges fossés qui ont permis aux romains de drainer les remontées d’eau de la nappe phréatique de cette zone humide vers la rivière Vesle toute proche. La forte densité de tombes est particulièrement intéressante dans cette partie de la ville puisqu’elle a longtemps été considérée comme une zone marécageuse, impropre à toute installation. Des datations radiocarbones effectuées sur des ossements mettent en évidence une occupation funéraire assez longue, couvrant toute l’Antiquité.

Un sarcophage en pierre

Au sein de ce petit ensemble, la présence d’un sarcophage en calcaire monumental (1 m de haut, pour 1,65 m de long et 0,80 m de large) interroge sur le statut du défunt. Le couvercle et la cuve sont taillés dans un calcaire grossier, peut-être issu de blocs de grand appareil en remploi. Le maintien de ces deux pièces est assuré par huit pattes en fer scellées au plomb (deux sur chacune des quatre faces). Les services des douanes ont radiographié les deux blocs encore scellés à l’aide d’un camion-scanner. Une fois l’absence de contenant en plomb établie, une exploration de l’intérieur de la cuve a été effectuée par caméra endoscopique. Elle a montré un squelette et du mobilier funéraire.

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Sarcophage en cours de fouille. 

© Émilie Jouhet, Inrap

Après la découpe des agrafes en fer, un engin de levage a permis de séparer les deux parties du sarcophage. Il contient la dépouille d’une femme, entourée de quatre lampes à huile, deux récipients en verre contenant possiblement des huiles parfumées, un petit miroir (près de la tête), une bague en ambre et un peigne. Une partie de ce mobilier indique que l’inhumation a eu lieu au IIe siècle apr. J-C. Des prélèvements du sédiment présent sur les os et sur le fond de la cuve permettront de déterminer s’il y a des restes végétaux ou des produits liés au traitement de corps. Par ailleurs, l’équipe de l’Inrap à Reims constitue une base de donnée génétique sur les ensembles funéraires antiques rémois dans le cadre d’un projet de recherche. L’ADN prélevée sur une dent du squelette sera comparée à 80 échantillons afin de déterminer si cette femme appartient à une élite locale ou plus lointaine.

Aménagement : SCCV Soussillon (Migneaux Immobilier)
Contrôle scientifique : Service régional de l’archéologie (Drac Grand Est)
Recherche archéologique : Inrap
Responsable scientifique : Émilie Jouhet, Inrap